La Bibliothèque des communs: Comment vivre d’incendie en incendie?

Avec Kayfa ta (Maha Maamoun et Ala Younis), Olivier Marboeuf et Anastasia Sosunova.

Kayfa ta (c'est-à-dire comment) vivre d'incendie en incendie, être baptisé(e) ou (re)naître dans des flammes réelles et métaphoriques? Cette question, inspirée du titre d'un ouvrage d'Olivier Marboeuf à paraître dans la série Kayfa ta, est à l'origine de la programmation de cette soirée. C'est une question de survie, individuelle et collective, pratique et symbolique. Le thème immense et complexe de la survie est exploré par Anastasia Sosunova et Olivier Marboeuf, qui s'inspirent de moments précis de l'histoire alternative de l'édition et des arts.

 

Dans son travail, l'artiste Anastasia Sosunova s’intéresse à la (ré)utilisation des plaques d'impression, établissant des parallèles entre les premières technologies européennes de reproduction d'images et le bruit visuel de l'ère numérique. Dans sa conférence d’ouverture, Sosunova se concentre sur l'histoire de l'imprimerie clandestine en Lituanie, qu’elle considère comme un cas emblématique. Elle attire l’attention sur les aspects socio-matériels (souvent invisibles) de l'imprimerie: la langue nationale, les droits d'auteur, l’organisation des ateliers, l'offre et la demande, ainsi que le rôle de la viralité et de la censure. Sa presentation met en tension des documents obtenus auprès des musées de l'imprimerie avec des spéculations artistiques et des rumeurs brûlantes venues du monde de l'édition.

 

Le feu alimente la conference-performance d'Olivier Marboeuf. Dans ce voyage oral, il traverse une mer d'histoires, de fables et d'archives enchevêtrées. Le feu devient le motif central de la culture caribéenne, mais aussi la trace d'une vie éphémère, l'instrument d'une catastrophe écologique, l'art d'un monument fugitif et l'arme des colonisateurs qui divisent pour mieux régner. Le récit sera accompagné d'une carte éphémère dessinée sur un mur - une archive fragile et cacophonique d'un présent où tous les temps convergent. 

Chaque intervention est suivie d’une une conversation avec Kayfa ta.

Cet événement fait partie du cycle La Bibliothèque des communs. La Bibliothèque des communs regroupe deux activités complémentaires. D'une part, elle rassemble une vaste collection de publications relatives aux "Communs" dans le domaine des arts. D'autre part, elle permet d'accéder à des publications indépendantes issues de la Majorité Globale, souvent difficiles à trouver par le biais des réseaux de distribution traditionnels. Hébergée au sein des bibliothèques de Kanal et du CIVA, La Bibliothèque des communs est une expérience évolutive visant à élargir, diversifier et approfondir l'accès au communs culturels de Kanal. Chaque année en juin, un événement présente une selection d’ouvrages liés à la bibliothèque et célèbre les nombreuses choses que les livres nous font faire. 

 

 

Kayfa ta est une initiative éditoriale à but non lucratif qui adopte le format populaire des manuels ou guides pratiques (kayfa = how, ta = to) pour développer des compétences, des outils, des réflexions ou des sensibilités en réponse à certains besoins d'aujourd'hui. Les publications de Kayfa ta se situent à l’intersection entre la technique et le réflexif, le quotidien et le spéculatif, l'instructif et l'intuitif, le factuel et le fictionnel, ainsi qu’entre les besoins d'aujourd'hui et ceux de demain. Kayfa ta a été fondée en 2012 par les artistes et curateurs Maha Maamoun (Égypte) et Ala Younis (Jordanie), qui continuent de définir son orientation.

 

Anastasia Sosunova est une artiste basée à Vilnius, titulaire d'une licence en arts graphiques et d'une maîtrise en sculpture de l'Académie des Beaux-Arts de Vilnius. Sa pratique pluridisciplinaire englobe la vidéo, l'installation, la sculpture et l'art graphique. Elle explore les liens entre les signes et la foi dans la société contemporaine, les manifestations de la pensée magique, ainsi que les dynamiques de mobilisation des communautés. Le travail d'Anastasia Sosunova suit des réçits personnelles et des actions concrètes qui s'entrelacent dans des narrations plus vastes : des histoires d'ascension et de déclins de communautés et d'identités, façonnées par d'innombrables contextes et interactions. Son travail a été présenté dans des institutions artistiques majeures à travers le monde, ainsi qu’à plusieurs biennales, dont celles de Gwangju, Kaunas et Lyon. Plus récemment, elle a présenté des expositions personnelles ou en duo à KOHTA à Helsinki, au Centre d’art contemporain de Vilnius, à la Galeria Arsenał (Białystok), chez eastcontemporary à Milan, et à Cell Project Space à Londres.

 

Olivier Marboeuf est un auteur-conteur, un artiste, un commissaire indépendant, un théoricien de la culture et un producteur de films originaire de Guadeloupe. Au début des années 1990, il fonde avec l'auteur Yvan Alagbé les éditions Amok (aujourd'hui Frémok), une maison d'édition de bandes dessinées basée sur la recherche à l'origine du légendaire café littéraire parisien Autarcic Comix. De 2004 à 2018, il a été directeur artistique de l'Espace Khiasma à Paris, un centre d'arts visuels et de littérature vivante dédié aux représentations des minorités, qui a contribué à l'introduction des théories post-coloniales sur la scène artistique française. De 2013 à 2024, il a également été producteur de films au sein de Spectre Productions, produisant une soixantaine de films d'artistes et de documentaires. Il partage actuellement son temps entre l'écriture, le dessin et le soutien aux pratiques artistiques collaboratives. Olivier Marboeuf est membre fondateur du Réseau Indépendant des Travailleur-euses et Acteur-ices de l'Art (RITAA) en Guadeloupe ; membre de RAYO, un programme de pédagogie expérimentale dans la Grande Caraïbe ; et membre du conseil international de l'Akademie der Künste der Welt de Cologne. Il a notamment publié l'essai Suites Décoloniales : s'enfuir de la plantation et le recueil de poésie Les Matières de la Nuit, (Éditions du Commun, 2022) ainsi que le texte théâtral La Nuit juste avant le feu (Éditions Atlantiques déchaînés, 2025).